5. Room sharing

Faith avait un rendez-vous important dans deux jours. Elle avait fait le déplacement et s'était pris une chambre d'hôtel. La personne qu'elle avait eu au téléphone quelques jours avant lui avait même dit « vous êtes vraiment chanceuse, c'est la dernière chambre de libre, l'hôtel affiche complet ». De la chance. C'est ce que Faith pensait avoir, oui. Au moins, elle n'aurait pas à chercher un autre endroit. Celui-là était parfaitement situé et elle serait proche de pas mal de choses, y compris du lieu de son rendez-vous. Elle ne savait simplement pas avec qui. Mais ça, elle le découvrirait bien assez tôt.

Elle était donc arrivée après un long trajet, avait posé ses valises et s'était rendue dans la salle de bain pour se rafraichir un peu. Elle prit une douche et enfila ensuite ses sous-vêtements avant de sortir de l'espace qu'elle trouvait bien trop réduit. Et alors qu'elle s'apprêtait à allumer la télévision pour avoir un bruit de fond, la porte d'entrée de sa chambre claqua. Elle se tourna donc vers celle-ci pour constater qu'une personne se trouvait en face d'elle. Faith était en sous-vêtements, télécommande en main et ne comprenait absolument rien à la situation. Bouche bée, elle mit un certain temps avant de se rendre compte qu'elle n'était absolument pas dans une tenue appropriée. Elle attrapa alors le couvre-lit pour l'enrouler autour d'elle.

Mais comment vous avez fait pour entrer ?  

Ce qu'elle ne savait pas, c'est qu'il y avait eu un problème informatique et que la réservation de Faith ainsi que celle de l'inconnu en face d'elle avaient été prises en même temps. Ils avaient donc la même clé et la même chambre. Et en prime, elle venait de se montrer presque nue, avec de la lingerie d'une qualité certaine, à cette personne. Comment est-ce que cela pouvait être possible ?

On lui avait réservé en ligne une chambre d'hôtel près du lieu de rendez-vous. Il lui restait deux jours avant qu'il n'arrive mais Haze avait voulu venir à l'avance pour visiter la ville avant de reprendre les affaires. Sa condition d'homme aveugle était une aubène pour sa famille : dans le vol, ils profitaient de son handicap pour attendrir les gens, le rendre maladroit pour rendre leurs victimes plus vulnérables et les voler sans aucun remord alors qu'ils aidaient Haze. Ce dernier n'a jamais vraiment eu de regrets par rapport à ces actes car pour lui, c'était quelque chose de normal. Le quotidien, ce qui leur permettait de vivre, un gagne-pain comme un autre.

Fatigué d'un trajet trop long, il glisse enfin la carte d'accès dans la fente de la porte. Le bip se fait entendre et c'est avec un long soupir qu'il ouvre, s'engouffre et laisse la porte se refermer derrière lui. Et si dans un premier temps la porte fait suffisamment de bruit pour couvrir la présence d'une femme, le parfum féminin le fait tout de même tiquer avant d'entendre le froissement des draps, puis la voix. Bien qu'il ne voit quasiment rien, il se retourne vers la source de la voix et hausse un sourcil.

Comme vous, je présume, dit-il en montrant la carte d'accès. Je me suis peut-être trompé de chambre. C'est bien la 302 ?

Faith en sous-vêtements se demandait comment avait fait cette personne pour entrer. Elle savait bien que ce n'était pas quelqu'un qui faisait partie du personnel de l'hôtel. Il avait une valise. Elle était seulement recouverte d'un drap de lit mal positionné autour d'elle et de ses sous-vêtements. L'interrogation se faisait bien plus grande lorsqu'il lui retourna la question et qu'il demanda confirmation du numéro de chambre. Il ne se trompait pas de chambre. Elle non plus. Qu'est ce qui avait bien pu se passer ?

Mh c'est bien la 302, oui. Mais ... C'est ma chambre pour quatre jours, normalement.

Il était là, dans l'entrée de la chambre. Faith n'avait aucune idée de la condition de sa vue. Elle ne savait pas qu'il ne la voyait pas. Et c'est tout naturellement qu'elle s'adressa à lui tout en attrapant les vêtements qu'elle avait laissé sur le lit.

Vous pourriez vous retourner ? Histoire que j'enfile un truc rapidement quand même !

Alors qu'elle se contorsionnait presque pour enfiler ses vêtements et garder le draps contre elle dans des gestes peu élégants, quelque chose lui vint à l'esprit. Elle irait voir à la réception pour qu'une autre chambre lui soit donnée à moins qu'il ne se décide à aller voir lui-même. Et si c'était impossible, ils risquaient d'avoir un problème de taille. Il n'y avait qu'un seul et unique lit, dans cette chambre. 

L'aurait-on berné ? Lui aurait-on tendu un piège ? C'est sa première pensée quand la femme lui dit qu'elle avait réservé la chambre pour quatre jours. Cela dit, elle ne semblait pas hostile. Du moins, elle ne l'avait pas encore attaqué et c'était quelque chose de rassurant. Peut-être était-ce une blague ? Cela ne semblait pas l'être. Alors, Haze en déduit simplement qu'il s'agit d'une erreur informatique. Il soupire alors en posant sa valise sur le fauteuil aux pieds du lit.

C'est ma chambre pour trois jours. L'informatique a dû avoir un bug au moment des réservations.

Alors qu'il entreprend de retirer sa veste, la jeune femme lui demande de se tourner. Vraiment ? N'avait-elle donc pas vu la canne dans sa main ? Haze sourit alors, trouvant la situation un peu ridicule, mais ça l'amusait. Voilà un bon divertissement. Il se retourne, accédant ainsi à la demande de la femme pour la laisser se rhabiller en toute tranquillité. Et puis, une fois fait, il commence à se déshabiller.

Si vous voulez aller régler ça, je vous en prie. Je vais prendre une douche, vous n'aurez qu'à me dire s'il y a une solution à votre retour.

Non, Haze n'était pas pudique, principalement parce qu'il n'y voyait rien. Il savait pourtant qu'il possédait un beau corps, car il essayait de l'entretenir au mieux sans aller dans la gonflette inutile. Une fois complètement nu, et tout à fait à l'aise avec ça, il se décide enfin à plier sa canne pour la ranger.

Pouvez-vous m'indiquer où se trouvent les serviettes avant de partir ? S'il vous plaît.

Dans la panique, Faith n'avait même pas remarqué que l'inconnu qui était entré dans sa chambre avait une canne parce qu'il était malvoyant. Elle éprouvait donc un certain malaise de devoir se rhabiller en risquant d'avoir un regard posé sur son corps. Enfin, généralement, ce n'est pas quelque chose qui la dérange. Mais elle préfère que ça se passe quand elle le décide et pas autrement. Une fois vêtue des vêtements qu'elle venait d'enfiler, elle l'écoute lui dire qu'il va prendre une douche pendant qu'elle irait voir à l'accueil. Ce qu'elle ne loupe pas, c'est qu'il se dévêtit complètement et elle comprend enfin qu'il est malvoyant. Elle, cependant, ne l'est pas. C'est presque sans le contrôler qu'elle reste bouche bée face à sa manière de lui parler, mais aussi - et surtout - face à son corps nu.

La voleuse reprend alors ses esprits quand il lui demande de lui indiquer les serviettes. Elle prononce doucement un oui avant de le suivre dans la salle de main et de lui en tendre une.

Il y en a déjà une par terre, je viens tout juste de sortir de la douche, moi aussi.

Les yeux de Faith se posèrent une dernière fois sur l'anatomie de l'inconnu avant de fermer la porte et de partir en direction de l'accueil. Une fois arrivée, elle demande des comptes à la personne qui se trouve en face d'elle. En effet, il y a bien eu un problème informatique. Ca lui faisait une belle jambe !

Est-ce qu'il y aurait moyen de trouver une autre chambre ?

Non. C'est ce qu'on lui répondit. L'hôtel était complet. Elle était donc condamnée à retourner dans cette chambre avec un inconnu et à trouver un plan B pour ne pas qu'il se pose trop de questions quand elle reviendra avec son butin, une fois le travail terminé. Quelle poisse ! De retour dans la chambre, elle se jette sur le lit, le faisant grincer au passage et, la tête enfouie dans les oreillers, elle crie pour étouffer le bruit. Elle se redresse ensuite pour s'adresser à l'inconnu.

C'est bien un bug informatique et ... Il n'y a pas d'autre chambre !